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Repérages • Note |
Note sur les repérages Si les repérages en pays bigouden ont été, pour la production, le moyen d’évaluer les faisabilités et les coûts d’Ar-Men ; pour mes premier assistant et chef opératrice, celui de s’imprégner de l’ambiance du film, par les lieux ; ils marquaient, pour moi, un retour. En effet, Ar-Men ayant passé plusieurs mois au stade de projet, j’avais déjà entrepris de nombreuses démarches d’intéressement au film, en particulier auprès de pêcheurs et sauveteurs en mer. Mais surtout, ces lieux, je les connaissais très bien et depuis longtemps. Par le passé, en d’autres circonstances, été comme hiver, j’ai arpenté par cent fois les rues et ruelles de l’Ile-Tudy ; des dizaines de fois j’ai fait visiter le port de pêche de Loctudy et sa criée ; deux fois par jour, sur plusieurs semaines, j’ai emprunté le chenal qui sépare les deux communes, comme une frontière entre monde terrestre et monde maritime. Ces lieux, je les connaissais très bien et depuis longtemps, stricto senso donc, je n’avais rien à repérer : j’avais à partager. La préoccupation de Temps noir était que les aides et amitiés que je m’étais faites aient résisté à l’épreuve du temps, puisque de celles-ci dépendait en grande partie la mise en production du film. Quoique légitime, la question n’avait guère lieu d’être à mon sens : en ce pays breton, celui des gens de mer, la parole est inaltérable. Si Christian Le Lay, patron pêcheur, m’avait donné son accord pour tourner à son bord, nous tournerions à son bord ; si Michel Cap, responsable de station de sauvetage, s’était engagé à la mise à disposition de la vedette Margodig pour les sorties en mer, nous aurions un équipage. Il doit être des régions et des milieux où la parole est plus volatile car jusqu’où bout notre directeur de production, Quentin, s’est inquiété du coût du défraiement d’une marée et de la manœuvre de la vedette de 15 tonnes, comme des conditions sine qua non à la réussite de l’entreprise. Malgré l’impossibilité d’obtenir un accord financier arrêté, et ce à cause de facteurs tout aussi variables que la météo ou l’arrivée de la prochaine saison du rouget, l’engagement de principe suffisait à ce que les scènes de pêche se fassent quoiqu’il en soit. Compte tenu de ma familiarité avec ce qui deviendrait le théâtre du tournage, je trouvais en Guilhem un premier assistant précieux. Tout d’abord, il n’a jamais rechigné à passer les heures nécessaires aux cafés des ports quand il fallait trouver ou retrouver les différents intervenants du film. Oui, la France a cette richesse spécifique du troquet où toutes les rencontres peuvent exister et les associations devenir possibles, et sans tomber dans la caricature régionale, c’est tout de même bien d’accepter de boire son coup et d’en rendre la pareille qui nous permettait d’aller au-delà de l’apparente résignation sombre et taciturne des marins. Ensuite, étant lui-même cinéaste, sa nécessité d’organiser le tournage selon un calendrier que l’on savait devoir être chargé, ne l’a jamais détourné de ce qui fait un film : l’essence du récit. L’essence d’Ar-Men, c’est sans aucun doute l’espace, aussi est-ce avec justesse qu’il m’aidait à rétrécir mon choix de rues à filmer à l’Ile-Tudy, par exemple, quand j’aurais voulu toutes les montrer selon les pérégrinations à vélo du personnage principal. Ce ne sont que quelques plans qui rendraient la réitération du quotidien… une gageure au cinéma où tout est événement. Plus tard, quand nous rencontrions Michaël Goanec à Saint-Guénolé, il me confortait dans mes choix d’adapter le scénario, allant ainsi dans le sens de l’interprétation qu’il m’en recommandait toujours, même si j’en étais l’auteur (un de ses leitmotivs). L’homme, à la présence forte, et le port de pêche aux impressionnants remparts antihoule intégraient ainsi le scénario prêt-à-tourner : Nonna, l’acteur principal dont le choix s’est imposé dès la première rencontre, aurait donc quelques scènes avec son propre père et dans sa commune. À notre retour de ces premiers repérages en mai, tout était déblayé. Les deuxièmes repérages, le mois suivant, n’existaient que pour confirmer la mise en production et permettre des ajustements de planning selon les éphémérides ou les orientations et expositions du soleil, que Crînguta, la chef opératrice, vérifiait sans s’attarder et de façon systématique. Ar-Men s’est essentiellement tourné en extérieurs, aussi, lorsqu’à une semaine du tournage une dépression succédait à une précédente, avec assez de vent pour dissuader les pêcheurs de sortir tout de même, l’équilibre fragile de cette production se faisait de nouveau sentir. Qu’un troisième grand frais s’enchaîne et tout était compromis : nous ne pourrions pas retarder le tournage le temps que la dépression tourne. Toutefois, c’est sous un soleil tardif que Guilhem et moi passions notre dernière soirée à l’Ile-Tudy et alors que notre hôte, Matthieu Le Bihan, nous invitait à la Crêperie du port de Sainte Marine, un autre endroit qui m’est cher, c’est sur les pontons flottants du port de plaisance que je me retirais en silence. Devant l’Odet, les oreilles taquinées par le claquement des drisses dans les mâts des voiliers, à mesure que la lumière déclinait, je prenais conscience qu’une étape était passée. Le projet individuel était devenu un travail collectif : bientôt, une équipe de cinéma serait là. |
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